Guerre civile

Ronda amb fantasmes (1971), de Maria del Mar Bonet, d’après le poème homonyme du poète majorquin Bartomeu Rosselló-Pòrcel (1932 – 1938), décédé pendant la guerre civile espagnole. Images d’archives tirées de la série Exilis (2008). La vidéo commence avec les images de la profanation du couvent des salésiennes le 19 juillet 1936, tirées du film Espanya entre dues trinxeres : la guerra civil en colors (2018).

De ce pays doux et austère, la Catalogne, où le Moyen Age est présent partout, je devais garder aussi mon plus vieux et irrationnel souvenir: quelque vingt cadavres de soeurs, détérrés, debout dans leur sarcophage ouverts et appuyés le long de la rue où j’étais né quatre ans auparavant…

Jordi Bonet

Dans ses mémoires, l’auteure catalane Aurora Bertrana (1892 – 1973) décrit plus en détail le souvenir de cette même vision troublante du saccage du couvent des salésiennes, sur le Passeig Maragall de Barcelone, et de la profanation des tombes des sœurs qui y étaient enterrées. C’était le 19 juillet 1936, au tout début de la Guerre civile espagnole :

Des milliers de curieux venaient observer ce macabre spectacle surnommé «Les Momies de Saleses». En vérité, il n’y avait qu’une seule momie, et encore. C’était un cadavre qui, Dieu sait comment, n’était pas arrivé à son état de décomposition naturel. Il ressemblait à une statue représentant une jeune sœur, svelte, vêtue et coiffée de blanc, le visage et les mains comme du marbre. Par sa propreté et son apparence, elle était belle à voir. Les autres étaient de pauvres et horribles corps de femmes en état plus ou moins avancé de putréfaction. Toutes les gradations du cadavre s’y trouvaient, du plus récent aux plus anciens, devenus de simples squelettes. Ces derniers se désintégraient rapidement, ce qui ajoutait à l’horreur du spectacle. 

Il fallait écouter les commentaires des gens. La belle momie de la sœur était très admirée. On tentait de comprendre pourquoi celle-ci faisait tant plaisir à voir alors que les autres étaient répugnantes au point où, après les avoir contemplées, certains spectateurs couraient vomir au pied d’un arbre.

Bertrana, Aurora. Memòries fins al 1935. Barcelone: Pòrtic, 1973.